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CHRONIQUES

18/05/12 

AN ORANGE CAR, CRASHED

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THE STRANGE DEATH OF RURAL ARISTOCRACY

Rien n'a été inventé depuis longtemps dans le rock : ce postulat nous vient d'An Orange Car, Crashed. Rien d'étonnant donc à ce qu'avec leur deuxième album, ils emmènent nos oreilles vers un univers déjà familier, et de manière tout à fait assumée : celui de la new wave. Pour le coup, la vague n'est plus très neuve. Des groupes comme Interpol, Editors ou She Wants Revenge ont certes provoqué quelques remous lors des années 2000, mais en ce qui concerne « l'âge d'or », on parle des années 1970 jusqu'au milieu des années 80, avant que diverses déclinaisons n'en prennent le relais (pop rock, musiques électroniques, grunge…). Si l'on veut être plus précis, l'année la plus communément citée pour marquer la fin du « règne », c'est 1986. Et, « 1986 », c'est aussi le nom du premier morceau du disque d'An Orange Car Crashed.

Ce n'est pas une coïncidence, c'est une ellipse temporelle. Comme si le groupe avait décidé d'ouvrir le grand livre du rock à cette page et d'y ajouter, sans doute à l'aide d'un trombone, sa propre page, avec ses propres lettres : A, O, C, C. En toute humilité, bien sûr, mais avec passion, talent et énergie. C'est ce qui ressort de l'écoute de « The Strange Death Of Rural Aristocracy ». C'est vrai, la recette n'est pas neuve, ces guitares pleines de réverb', ces sticks de batterie étiquetés « post punk », ce chant hanté par la voix elle-même hantée de Ian Curtis, on les a déjà entendus. Oui, mais : d'abord, même non-influencés par la new wave, les nouvelles productions rock années 90 ou 2000 ne viennent évidemment pas de nulle part - blues, psychédélique, hard rock, bref ; rien de bien neuf sous le soleil de ce coté-là non plus. Ensuite, au-delà des exemples évidents dont Interpol ou Editors font partie, je suis persuadé que des groupes comme Bloc Party, Coldplay, Placebo, les Strokes, Metronomy et des milliers d'autres ne renieraient pas non plus l'importance qu'a pu avoir cette « nouvelle vague » sur leur musique ou leur approche sonore.

Rupprecht (chant, guitare), Barek (guitare), Karsten (basse) et Manfred (batterie) reviennent donc à leurs fondamentaux en ouvrant leur nouvel album sur « 1986 » : cinq minutes et trente secondes pour faire machine arrière, pour installer l'ambiance qui nous suivra tout au long du disque. Un long et mélodieux crescendo qui finit par éclater lorsque le chant rejoint les instruments pour un paroxysme explosif, qui renvoie en effet à ce qui pourrait être une définition du rock : un exutoire à base de rythmiques puissantes et de guitares saturées. Ça y est, le disque démarre : il est placé sur ses solides rails et ne se prive pas de les dévaler. En effet, le tempo est plutôt rapide, à l'image du titre suivant : le très pop rock « The Game », sa ligne de basse efficace qui emmène tout le morceau et son refrain fédérateur. Pas de fioritures : trois minutes bien dansantes aux franches allures de single qui déboulent sur l'énergie contenue des couplets de « I wasn't the reason », libérée sur les refrains et le final du morceau, puis sur un premier interlude – il y en aura trois en tout. Celui-là est très court mais contient tout de même deux fois le sample « I am not loyal to the government, because the government is against the people », ce qui n'est pas le seul témoignage d'opinion du disque. Certes, cela n'en fait pas pour autant un album engagé, mais cela montrera aux non initiés que les protagonistes d'AOCC ne sont pas du genre à garder leur langue en poche. La construction du morceau suivant, « The Letter », en fait un des points remarquables de l'album : scindée en deux parties, une missive et sa réponse. Cette dernière, une nouvelle montée en puissance, est déclamée par une invitée, Tara Von Rapenbusch. Ensuite, « Red Code » évoque la pollution et l'urgence de prendre leçon de ses erreurs. Le morceau démarre gentiment puis imprime une rythmique plus marquée. Un nouvel interlude et Scissor Version calment un rien la donne avant l'efficace et disco « New Wave Hookers ». La new wave reprend pleinement ses droits sur « What About? ». Tous les instruments y sont en joie et servent des mélodies particulièrement inspirées, le long d'une structure qui fait varier les plans guitares et chant avec brio jusqu'à un final efficace : à mes yeux, le meilleur titre de la galette. Celle-ci se clôture comme elle a débuté, soit sur un long instrumental gagnant progressivement en puissance. Son deuxième point commun avec « 1986 » , c'est son titre, qui fait lui aussi référence à la fin d'un « règne » : « Lee Harvey » est en effet le prénom du principal suspect dans l'affaire JFK – une référence que les AOCC abordent fréquemment à travers leurs artwork, clips, etc. Consciemment ou non, les fins sont d'ailleurs un thème tout aussi récurrent dans le groupe et dans cet album. Il y a donc celles de la new wave et de Kennedy, mais en cherchant un peu, « The Letter » évoque la rupture, « Red Code » évoque carrément la fin du genre humain, et il y a évidemment le titre de l'album, cette énigmatique « mort de l'aristocratie rurale ». Un groupe sombre, pessimiste?

Peut-être pas tant que ça, parce qu'un autre truc chez AOCC, c'est ce soucis de l'image, qu'on retrouve avec cohérence dans leurs thèmes, leurs manières de se présenter ou de se fringuer sur scène… L'univers possède une classe froide et sombre ; sur la pochette du disque, ce sont eux, les aristos déchus. Toujours à propos de l'image, il y a leurs noms de scène, évoqués plus haut : Rupprecht, Barek, Karsten et Manfred, qui voudraient nous faire croire qu'ils arrivent tout droit de Berlin – une Appellation d'Origine Certainement pas Contrôlée. La raison ? Les connaissant, ils répondraient sans doute que le rock sud-Luxembourgeois n'a malheureusement pas la réputation qu'il mérite et que vanter cette origine n'est pas vraiment vendeur.

Pourtant, l'album, même s'il navigue en terrains très connus, est une réussite musicale. La cohérence des musiciens entre eux, l'approche esthétique, la qualité et l'efficacité des compositions en font un album de valeur. La qualité du mix et de l'enregistrement fait honneur aux codes du genre (le coté froid, les réverbérations des guitares) mais apporte également au disque une puissance et un contraste que l'on ne retrouve pas toujours dans ce courant musical. A titre personnel, j'y trouve mon compte car malgré mon habituel manque d'enthousiasme pour la new wave, je n'ai eu aucun mal à rentrer dans l'ambiance du disque – pour cela, j'ai en général besoin de dynamisme, de variations dans les couleurs et dans les émotions, « d'aspérités », et j'en ai trouvé.

Conclusion : on ne toussotera pas comme en ressortant un vinyle poussiéreux de la bibliothèque de papa-maman en écoutant ce disque : au contraire, je le trouve dans une veine tout à fait actuelle, à base d'une pop rock bien secouée, aux accents indés et post-punk. Dynamique, racé, interprété par de bons musiciens. Plus important encore : An Orange Car, Crashed pratique tout simplement le rock auxquels ils croient. Ensemble, ils répondent à leurs affinités les plus profondes. Même si cela n'en fait pas un disque très original, cela en fait une musique sincère, interprétée avec beaucoup de conviction. Et là où il y a du cœur, il y a du talent : cela se ressentait déjà sur la scène et cela se ressent maintenant sur le disque de ces faux berlinois, de ces faux aristos et de ces faux ringards.

- Nicolas Ancion

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Post? par Nicolas